% Après un coucher de soleil par-dessus la boue… %
C’est dans le ciel bleu que la première péripétie étrange de cette scène se passe. Alors que le matin se réveil d’un long sommeil, l’arrivée du soleil le poussant face à cette facette du monde, une forme noire fait son apparition. Gracieuse mais non moins ténébreuse, elle plane entre les courants ascendants vers une tourelle qui surplombe les quartiers commerçants.
Ses fines ailes aux plumes luisantes de l’humidité de la nuit qui trépasse lentement face à l’astre solaire qui pointe de ses premiers rayons, inondant le village caché du pays du feu de sa lumière, battent alors l’air avec un honneur qu’il ignore encore avoir connu. Et voilà que l’animal diurne se perche au sommet du bâtiment de la banque centrale de Konoha, sur l’une des petites têtes d’une espèce de porte-drapeau sans drapeau, submergeant le silence de son cri strident. Les deux onyx brillaient de milles feux, formant un regard vif comme le vent. Et ils se posèrent sur une silhouette qui s’avançait vers les portes de la banque.
Changement de point de vue : nous revoilà au sol. Là où la poussière s’apaise pour se reposer, attendant d’être dérangée par les foulages de pied des habitants qui se lèveraient bientôt. Malgré les apparences, Seikou Kansen n’est pas matinale. Elle n’est même pas du matin. Elle, c’est l’animal nocturne, qui laisse sa place au corbeau une fois le soleil levé.
C’est fraîchement sortie des Onsen que nous retrouvons notre petite psychopathe adorée. Enfin vêtue, l’adolescente rousse marche tranquillement, sans faire attention au fait que la poussière vient tâcher ses bottes noires. Bottes à la haute semelle et qui s’arrêtent sous les genoux, se refermant par des agrafes en argent compliquées laissent donc leur sublime couleur noire se teinter de gris et de brun. Malgré l’aspect plutôt brut de cette description, ces chaussures affinent ses pieds et ses mollets, formant un parfait emballage pour les extrémités de ses jambes pâles. Elles sont d’ailleurs recouvertes d’une longue jupe souple. Taillé dans un tissu léger, elle est accrochée à la taille par une ceinture recouverte d’argent et, sur le côté gauche, est totalement ouverte. Echancrée jusqu’au dessus de la cuisse, la jupe laisse une large vision sur l’anatomie de la jeune fille dans certaines positions, caressant la peau douce à chaque pas qu’elle fait dans cette rue quasiment déserte.
Mais la voilà qui s’arrête face aux portes closes de la banque. Bras nus qui se croisent sous la poitrine… Cette dernière a été recouverte d’un corset noir attaché sur le devant par les mêmes agrafes que les bottes. Bien plus de facilité à ouvrir que ces lacets qui bloquent à mi-chemin et qui ralentissent le plaisir de l’action. Alors qu’avec ces petites inventions, trois clics et le tour est joué. En général, elle porte par-dessus tout ça une veste mais aujourd’hui, le temps est doux. Nul besoin de plus de couches de tissu. Le vent à lui seul la réchauffe, elle qui se dit insensible au froid, pourtant.
Deux doigts fins viennent saisir la cigarette qu’elle pince entre ses lèvres. Le regard fatigué d’une nuit blanche, elle soupire. Trop tôt ! Toujours trop tard ! Ils ouvrent toujours trop tard pour elle. Ce qui l’oblige à attendre. C’est pour ça qu’elle est là : fumer et attendre. Les cendres de sa clope tombent sur le sol alors qu’elle secoue d’un geste machinal les bracelets qui entourent son poignet. Mal mis, ils la gênaient. Et hop ! On replace l’ustensile de la mort entre les dents – blanches ! – et on tire une nouvelle bouffée de nicotine bien toxique.
Han qu’est-ce que ça fait du bien.
% Le village reprend vie… Enfin… Pas tous… %
Et les gens commencent à passer dans la rue. Et le temps passe. Et elle ne bouge que pour changer de cigarette une fois que la précédente s’est éteinte. Certains font attention à elle, d’autres l’ignorent. Il y en a encore qui essayent de lui adresser la parole…
Mais alors, notre jolie psychopathe est occupée à fixer les deux onyx du corbeau qui attend, lui aussi, en haut de la banque. L’oiseau attend son tour pour régner sur les ténèbres du jour. La collègue de la nuit doit s’en aller se coucher. C’est la règle. Et elle le sait. Elle n’en demanderait d’ailleurs pas moins. Mais elle ne peut pas. Ca aussi c’est la règle. Et l’embêtant d’appartenir à deux mondes différents : deux fois plus de règles à respecter à contre cœur.
Et c’est quoi, ce moucheron qui lui cause là ? Il s’amuse à lui faire de grands signes. Mais ce n’est que lorsqu’il pose sa main sur son épaule et la secoue comme si elle n’était qu’une vulgaire poupée de chiffon qu’elle cligne des yeux, en perdant ce qui trônait fièrement au centre de ses lèvres.
A ce moment-là, le gamin regrettera amèrement son geste. Les émeraudes formant le regard de celle de qui il essayait d’attirer un peu d’attention se sont figées sur lui, lançant des éclairs accompagnés des vents glacés de l’antarctique. Elle le fixait, froidement, durement. Mais pire encore. Avant que le gosse n’ait eu le temps de faire un geste de plus, elle avait saisi le col de son t-shirt et avait rapproché son visage du sien.
« Toi ! … » Susurra la voix de la jeune fille, sifflante comme la langue du serpent.
« Tu cours à la librairie du coin et tu me ramènes des cigarettes. C’était ma dernière… Et tu te grouilles, parce que sinon, je te retrouve… et puis je t’égorge… et je finirais par une éviscération en bonne et due forme… pour ensuite renvoyer la seule chose qui restera de toi à tes parents : chose qui prouve que t’es qu’un gamin qui ne mérite pas son titre d’homme. »D’un mouvement de sourcil, elle désignera l’entrejambe du terrifié. Le gosse… il tremblait sur place. Aussi fragile qu’une feuille. Si elle l’avait lâché, il se serait envolé et se serait brisé entre deux courants d’air. Enfin… heureusement que l’être humain est un peu plus solide que ça. Lorsque sa main desserra sa poigne, l’petiot tomba sur les fesses, dans un « pouf ». Il n’avait même plus l’esprit à dire aïe… Il se releva à la vitesse de la lumière et courut au coin de la rue.
Cela lui ôtera de vouloir dire à une fille que fumer est mauvais pour la santé… Même s’il n’avait même pas eu le temps de prononcer un seul mot.
% Mais ça personne ne le sait… %
Dix minutes plus tard, notre chère chuunin avait sa nouvelle cigarette en bouche et observait les portes de la banque s’ouvrir enfin ! Soupir. Il était tôt… ou tard… Et elle avait vraiment envie de rentrer chez elle maintenant. Elle avait bien eu assez d’adrénaline pour la nuit, il était temps d’aller se reposer. Ah ! Elle sentait encore cette émotion de jouissance extrême couler dans ses veines et la faire frissonner de toute part.
Un homme s’était, quelques temps plus tôt, approché d’elle pour essayer de lui faire comprendre que son action envers l’enfant, qui n’avait pas été aussi discrète qu’elle l’aurait cru, n’était pas à son goût. Mais dans le genre « Je me fous complètement de ta gueule, et je chante dans ma tête sans t’écouter », Kan était la meilleure. Elle le nia simplement.
« Mes tarifs, c’est 50 Ryos pour les deux heures. Et je te fais c’que tu veux, mon gars. Mais là je suis crevée, lâche-moi la grappe tant que je suis calme. »Oui, calme, et la seule chose qui pouvait la remettre dans cet état résidait en un tube de papier rempli de tabac.
Elle entra donc dans la banque, ce grand bâtiment qui abritait la fortune du village. La jeune fille n’était pas du tout une habituée de ces lieux. Et pourtant, elle avait décidé de suivre la règle qui obligeait tout habitant à venir ouvrir un compte dans ces lieux. Enfin, c’est ce qu’on lui avait dit… Peu importait. En plaçant son argent à la banque, elle en obtiendrait plus en retour. Alors c’était un bénéfice… Pour elle, bien sûr.
Elle arriva tranquillement devant un bureau. Même mal à l’aise dans ce lieu, son maintient et sa fierté lui donnaient une classe, une allure spéciale. Sous cette chevelure couleur feu, son regard brillait sans appel à travers la fumée qu’elle respirait depuis longtemps. Elle fixa l’employé qui était encore en train de mettre son bureau en ordre en se demandant quand est-ce qu’il allait enfin la remarquer !
Elle s’impatientait.
« Ah ! Mademoiselle ! Oui, c’est pour quoi ? »Pas de réponse. La jeune fille sort tranquillement de sous sa jupe un billet froissé et légèrement tâché pour le poser en face du jeune homme.
« Vous voulez ouvrir un compte !? Ah bien ! Mais ce n’est pas à moi que vous devriez vous adr… euh… je… »Elle avait juste penché la tête, s’asseyant sur la chaise. Ce qui mettait alors l’homme en émoi, c’était la vue plongeante qu’il avait désormais sur ses cuisses, la jupe échancrée ayant glissé, dévoilant largement sa peau nue.
« Bien… Votre nom ?... »% … Chuuuut … %
Elle sortait enfin ! tout sourire de la banque… Une heure plus tard.
Contre une partie de jambes en l’air dans la salle des coffres, la jeune fille avait troqué vingt minutes d’attente en moins et un avancement sur les intérêts du mois d’avril, qui commenceraient demain. Son relevé de compte dans les mains, elle rentra enfin chez elle, histoire de réfléchir tranquillement – enfin ( j’aime bien ce mot ) – à ce qui s’était passé cette nuit…
Et histoire d’enlever le mal de crâne qui tonnait dans sa tête.
Le corbeau impatient s'envola enfin...